Attention à la confusion joueur-personnage. Ce qui motive le personnage n’est pas ce qui motive le joueur et vice-versa.
On pourrait distinguer trois degrés (deux et demi en fait) de « qualité » de la motivation du personnage à aller au bout du scénario.
Premier degré : le joueur donne une motivation lambda vraisemblable à la présence de son personnage, et sans lien avec le scénario proprement dit. C’est Sam, Merry et Pippin qui suivent Frodo par loyauté et/ou amitié (Merry et Pippin aussi parce qu’ils n’ont rien de mieux à faire
"ouais, on a volé toutes les carottes on se barre avec toi!). ».
Deuxième degré : le MJ (avec le joueur ?) donne une motivation lambda vraisemblable à la présence du personnage dans l’aventure en l’impliquant dans la trame du scénario proprement dite. C’est Frodo « forcé » par Gandalf à partir détruire l’anneau en Mordor
"pourquoi moiaaa... ".
Troisième degré : le MJ donne une motivation au joueur (pas au personnage) de faire faire le scénario par son personnage, en agissant sur le projet du joueur pour son personnage. Le joueur voulait que son personnage devienne un seigneur titré, et en parallèle de ses aventures il l’a patiemment accompli : son personnage a son manoir et son domaine. Un jour le MJ raconte au joueur que le grand méchant du scénario prévu devient son nouveau seigneur lige et que les taxes deviennent très élevées, suffisamment pour que le joueur soit motiver pour accompagner l’héritier légitime dépossédé à reprendre son titre, en bon vassal.[/i]
Le deuxième degré est un leurre, on croit créer une motivation de meilleure qualité, mais elle n’est de meilleure qualité que dans son originalité ou sa spécificité au scénario. La motivation du joueur elle est toujours la même : respecter le contrat social de la table de jeu, mon personnage joue l’aventure parce que sinon ben, il n’y a pas de jeu, c’est tout. En plus le deuxième degré est dangereux, si le personnage sur qui on fait porter la motivation du scénario (Frodo) meurt ou son joueur déserte la partie et bien le scénario est foutu.
Le troisième degré se construit sur la durée et implique de laisser suffisamment de temps « hors aventure » aux personnages pour laisser les joueurs développer leurs propres projets pour leurs personnages (construire une auberge, se marier avoir des enfants, avoir un manoir et un domaine, mener une guilde etc…). C’est ce qu’on peut appeler, laisser les personnages s’enraciner dans l’environnement de jeu.
Les campagnes du commerce de D&D (et consorts) ne permettent pas de mettre en place un tel degré de motivation. Depuis quelques éditions, la seule chose qui ait de la valeur c’est le temps d’aventure, tout s'enchaine sans enracinement des personnages dans l'environnement de jeu. Y compris dans les campagnes reconnues de bonne qualité…
Dans les exemples de motivations présentés par Titou, il manque les motivations de cohésion du groupe, des personnages entre eux. D’accord, chaque personnage a une raison individuelle de quitter l’île, mais la raison pour laquelle, ils le font ensemble et vont finalement mener l’aventure ensemble n’est pas abordée. Du coup quand un PJ a atteint son objectif personnel, le joueur ne sait pas pourquoi son personnage continuerait avec les autres. La justification du groupe est sans doute plus importante encore que la raison de faire le scénario.
Enfin, et c’est sans doute par ça qu’il aurait fallu commencer, « le background du perso », c’est une expression fourre-tout que chacun définit à sa sauce. On trouvera autant de bonnes raisons pour dire que c’est utile (n’allons pas jusqu’à dire indispensable), que de bonnes raisons pour dire que c’est inutile. Et parfois ce sont les mêmes raisons…
La version du background « mode D&D5 » (les quatre tableaux dans chaque historique) est totalement dispensable, c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. Elle ne répond pas à la question de la motivation de la cohésion du groupe, elle ne donne pas de motivation de partir à l’aventure. Plus grave, elle impose un comportement de personnage au joueur et elle peut donner des éléments d’interprétation (défaut) susceptibles de contrecarrer le bon déroulement du scénario. (« J’y peux rien, c’est le roleplay de mon perso »). À ne surtout pas utiliser, même comme source d’inspiration – sauf pour jouer à Paranoïa éventuellement.
Un background efficace ?
- un nom de personnage (ça commence par-là)
- une description physique (même succincte, un dessin ou une figurine) utilement (mais pas forcément) compléter d’un comportement / façon de se tenir si on se sent un brin "acteur" (parce qu’il faut se sentir d’interpréter bien sûr, les autres joueurs doivent voir/ressentir le comportement du personnage)
- une motivation au groupe (éventuellement une motivation à partir à l’aventure)
- une idée directrice de l’interprétation du personnage avec quelques idées sur la façon de l’interpréter.
- une idée directrice de ses origines, avec quelques références (de personnages réels ou imaginaires) dans lesquelles piocher pour répondre du tac au tac sur les questions personnelles sur le personnage.
Ça tient en 5 lignes ?
Le background, c'est une aide à l'interprétation du personnage, une liste de références où piocher pour rebondir en roleplay, c'est tout. L'ensemble va s’étoffer au fur et à mesure des parties.
- L’apparence et le comportement va s’ajuster avec les premières parties et la confrontation du concept initial avec la réalité du résultat des actions tentées et du regard des autres joueurs sur le perso / ses succès et échecs.
- Les relations entre personnages vont se dessiner également pendant les premières parties, les motifs de cohésion du groupe vont s’étoffer.
- L’interprétation du personnage va se caler pendant les premières parties, en s’ajustant au jeu des autres et à ce qui plait / ne plait pas, est adapté / n’est pas adapté pour l’équipe prise dans son ensemble.
- Le passé du personnage va s’étoffer au gré des anecdotes racontées et/ou des ajouts du MJ pour les besoin du scénario par exemple.