Malgré cette discussion, Edgar reste dubitatif et décide d'en avoir le coeur net : quelques jours plus tard, sous sa direction et à l'abris des regards indiscrets, il donne rendez-vous à Ehvok, Asha et Willibert de nuit au cimetière. Encore choquée par ce qui lui est arrivée récemment, Thibalde préfère ne pas se joindre au groupe. Elle les presse de la tenir au courant de leurs découvertes tout en priant pour qu'ils ne trouvent rien de significatif et la laissent enfin oublier cette histoire.
Edgar déterre le cercueil en bois dans lequel le corps de Wirt avait été déposé. Saisis par l'émotion et l'anticipation de ce qu'ils vont découvrir, tous restent un instant immobiles et hésitants. Finalement, ils ouvrent le cercueil... qui se trouve être vide ! Ehvok inspecte l'intérieur du cercueil et a l'impression qu'au fond du cercueil une couche de poussière dessine la silhouette du corps de l'enfant. Du corps, en revanche, il ne reste aucune trace.
Cette découverte est d'autant plus dérangeante qu'Edgar est formel : il s'agit bien de ce cercueil dans lequel il a placé le corps du petit avant de l'enterrer. Il n'a aucun doute là dessus. Tout porte à croire que le corps s'est purement et simplement volatilisé, car la terre autour du cercueil n'avait pas, jusqu'à présent, été retournée. Sans bien savoir pourquoi, le groupe s'attelle machinalement à refermer le couvercle du cercueil puis à le remettre en terre. Déboussolés par ce qui vient de leur arriver, Asha, Willibert, Edgar et Ehvok restent ensuite un moment devant le monticule de terre, perdus dans leurs pensées. Pour Ehvok et Edgar, le choc est sévère car il est susceptible de remettre en cause la notion de repos après la mort... Tous frissonnent en s'imaginant ce qu'il en est des autres corps enterrés, et ce qu'il en sera d'eux, une fois leur heure venue.
Le groupe met plusieurs jours à se remettre de cette découverte, avant que la vie ne reprenne son cours.
Ehvok et Edgar se souviennent qu'ils étaient résolus à proposer leur aide au père Lazare. Ils profitent que ce dernier est exceptionnellement sorti de son étude, qu'il ne semble presque plus quitter, pour manifester leur projet de créer avec lui de nouvelle amulettes. Lazare ne peut que féliciter le sacristain et le fossoyeur pour leur volonté indéfectible à servir la lumière, mais leur explique également que seules certaines amulettes peuvent se prêter à ce genre d'enchantement.
« La pierre qui orne ces amulettes » dit il en désignant tout à tour son amulette puis celles qu'il a déjà enchantées pour Edgar et Ehvok « agit comme le réceptacle du sortilège. Si nous n'avons pas une pierre de qualité suffisante, l'enchantement ne pourra y être imprimé. »
Farhnam ne se montre pas beaucoup plus loquace avec Edgar, et c'est peu de le dire. Les tentatives d'Edgar pour soutirer des informations au pêcheur se soldent par des engueulades terribles et répétées, jusqu'à ce que les deux hommes renoncent à s'adresser la parole. Edgar se demande bien pourquoi Farhnam refuse de dire ce qu'il sait, car il est persuadé qu'il sait quelque chose ! Farhnam, lui, agit comme s'il ne comprenait pas pourquoi Edgar cherchait à le tourmenter alors qu'il dit ne rien savoir...
Au cours des semaines qui suivent, Thibalde étudie les cartes de la région et tente avec l'aide de Cain de retrouver le lieu de la vision. Il s'agit bien d'un côte, mais l'absence de constructions notables rend la tâche quasiment impossible. L'apparence des navires décrits par Thibalde incite Cain à penser qu'il s'agit de bâtiments du Westmarch, ce que confirme Griswold lorsqu'il est à son tour sollicité sur la question par le vieux maître. Griswold a visiblement un passé de soldat et sait ce dont il parle, mais les dessins produits par Thibalde ne sont pas assez précis pour qu'aucun doute ne soit permis.
Après des jours à insister sans relâche, Asha obtient finalement de Cain qu'il lui laisse lire l'ouvrage qu'il avait mis de côté. C'est un soulagement pour la jeune fille, qui avait été échaudée par les refus catégoriques et narquois d'Adria quand elle avait voulu lui proposer son aide. « Ne cherche pas à m'espionner, ma belle. Ma magie ne se laisse pas observer sans danger. Mais tu le sais déjà, n'est-ce pas ? » avait-elle dit en souriant. Asha avait alors pensé à Thibalde, et avait eu l'impression que la sorcière s'amusait à lire ses peurs, comme dans un livre ouvert.
Le livre de Cain est écrit en horadrique : à l'état des pages, il semblerait bien que Cain l'aie beaucoup consulté. Le livre parle de plusieurs lieux de pouvoir en lien avec des mythes anciens parfois contradictoires. Tout cela ressemble à un recueil de fables difficiles à croire, mais Asha sait que derrière les histoires se cachent souvent des vérités qu'il s'agit de percer à jour. L'un des lieux de pouvoir attire tout particulièrement l'attention d'Asha, et Cain se penche au dessus de son épaule tandis qu'elle écarquille les yeux : à n'en point douter, il s'agit de Tristram ! Le nom du village n'est pas cité, mais tout correspond effectivement. Selon le livre, il y aurait dans les parages un temple horadrim, un lieu où séjournerait une grande puissance. Cette puissance serait redoutable, et aurait été scellée dans le temple, afin d'en prémunir les humains. Pourquoi une telle puissance n'aurait pas été mise au service des humains, plutôt que d'être enfermée ? Asha interroge Cain sur cette question, et le vieux maître a un sourire triste en répondant : « D'après toi, Asha. Est-ce la puissance absolue qui corrompt les cœurs purs ? Ou bien les corrompus qui recherchent la puissance absolue ? Que penses-tu de la guerre qui ravage notre pays ? Sommes-nous dans notre droit, plus que les soldats du Westmarch ? Ne vois-tu pas qu'il n'y a ici ni bon ni mauvais, et qu'une puissance absolue n'est que l'illusion de la justice ? » Asha hésite à argumenter : après tout, une guerre rapide n'est-elle pas préférable à une guerre interminable ? Si un camp doit l'emporter, ne vaut-il pas mieux que cela arrive le plus vite possible ? Les gens, au moins, ne souffriraient pas longtemps de la famine... Cain voit que son élève se pose bien des questions, et referme son livre. « La puissance dont il est question dans ce livre est mauvaise par essence, crois moi. Il est des choses dont il est préférable de rester à l'écart, malgré la tentation que cela représente. »
Questionné au sujet des portes qui pourraient relier Sanctuaire à d'autres mondes, Cain se montre curieux de savoir comment le groupe a pu s'interroger à ce sujet très particulier, mais il ne rechigne pas à faire part de ce qu'il sait à ce propos. Selon lui, les horadrims avaient mis au point un système de voyage à distance qu'ils appelaient précisément des "portails". Ces portails reliaient divers lieux de puissance, ou divers lieux préparés par une magie rituelle très spécifique, et dont les secrets ont été oubliés depuis longtemps. « Selon la théorie, ou plutôt ce qu'en disent les textes, il serait possible d'effectuer des voyages sur des distances inimaginables en l'espace de quelques secondes à peine. Je pense que ces portails ont jadis existé, et ont permis aux horadrims d'étendre leur influence sur Sanctuaire. Mais que sont ils devenus aujourd'hui ? Mon père prétendait en avoir emprunté un, une fois, lors de son passage au monastère de l'Oeil Aveugle, au pied des chaînes orientales qui nous séparent du désert d'Aranoch. Je n'ai jamais vraiment su si je devais le croire ou pas... » Un voile passe devant les yeux de Cain. « Mais j'imagine que c'est le lot de l'humanité, que de voir la jeunesse douter de ses aînés...C'est ainsi que nous progressons, j'imagine... même si bien souvent écouter un peu ne nous ferait pas de mal... »
Un mois passe ainsi : chaque membre du groupe menant à sa façon ses recherches sur une vision commune dont le souvenir s'estompe petit à petit dans leurs esprits. Les efforts de Thibalde pour se préserver paient, et la jeune femme se sent désormais bien mieux : la peur qui la paralysait encore les premières semaines suivant la vision a finalement disparu et lui apparaît maintenant lointaine. Asha, elle, n'a pas réussi à se défaire du malaise qu'elle garde en elle depuis sa vision. Elle a appris à "vivre avec", mais s'inquiète parfois d'entendre des chuchotements ou des bruits venus de nulle part. Ehvok, lui aussi, entend parfois une curieuse musique... que personne d'autre ne semble entendre...
Faute de nouveaux éléments à étudier, Ehvok, Asha, Willibert, Thiblade et Edgar reprennent lentement le cours de leur vie. Il y a quelques jours, Edgar a fait part de son projet de se rendre à Kurast pour y étudier les textes sacrés, mais le voyage serait long de plusieurs mois, et périlleux. Une telle expédition demanderait à certains d'abandonner leur famille sans garantie de les revoir jour. Sans compter que les Grand prêtres de Kurast refuseraient probablement l'entrée de la bibliothèque à ceux qui ne seraient pas membre de l'Eglise. La question reste à l'ordre du jour au sein du groupe, qui en parle toutefois de moins en moins, lentement happés par les travaux du quotidien.
« Le roi est de retour ! Le roi Aidan est revenu ! »
Les cris résonnent dans le village, et tout le monde se précipite vers la place centrale pour voir approcher une petite troupe de cavaliers, avec, à leur tête, un homme aux cheveux blonds. « C'est bien, Aidan, le fils du défunt roi Léoric. » déclare simplement Cain, qui se trouve non loin du groupe. « Espérons qu'il sera meilleur roi que son père ne l'a été sur la fin de sa vie... »
Griswold acquiesce : « Espérons, oui... »
Lazare, qui est exceptionnellement sorti de son étude pour l'occasion, tempère d'un ton froid : « Allons, c'est de notre roi dont nous parlons ! Un peu de respect ! »
Aidan arrive finalement au centre du village, accompagné d'une douzaine de soldats. Toutes les armures et les boucliers portent le symbole du Khanduras et du Zakarum. Aidan met pied à terre, suivi de ses soldats.
Au milieu de la troupe, quelques figures féminines rappellent que même les femmes peuvent avoir leur place dans l'armée. L'une des femmes, notamment, a une allure impressionnante, et se tient tout prêt du jeune roi en toisant l'assemblée du regard.
Le roi s'exprime le premier : « Habitants de Tristram, je suis venu vous annoncer une bonne nouvelle : une paix temporaire a été conclue avec le Westmarch. »
Les soupirs de soulagement s'entendent de toutes part et se mêlent aux remerciements adressés au nouveau roi ou à la Lumière.
« Je sais que pour beaucoup d'entre vous, je suis votre nouveau roi, mais avant d'accepter ce titre, je dois m'assurer de ce qui est arrivé à mon frère Albercht. Je suis venu ici pour m'enquérir de son sort, et enquêter sur sa disparition.
Mon frère et moi même ne cautionnons pas... » Aidan se mord les lèvres, se crispe de colère, puis soupire « ... les actes odieux commis par notre père au cours de ces dernières années. Que ce soit lui ou moi qui devenions votre nouveau roi, nous prendrons soin de vous, qui avez tant souffert... Nous agirons selon les principes de notre foi, et les valeurs qui ont toujours guidé notre royaume jusqu'à... ces dernières années. »
Le silence respectueux qui s'installe met tout le monde un peu mal à l'aise, et Aidan poursuit : « Je compte également rendre visite à la tombe de mon père. Vous ! » dit-il en désignant le père Lazare « vous êtes le père Lazare, n'est-ce pas ? Je me souviens de votre visage... quoi que... je comprends à vous voir que ces sombres années n'ont épargné personne. Lazare, pouvez me conduire sans tarder à la sépulture de mon père ? Pendant ce temps, que l'on prenne soin de mes troupes : tous ont besoin de repos et j'espère que vous leur ferez tous » ajoute-t-il en se tournant vers l'ensemble de la foule « bon accueil en leur réservant les meilleurs lits et de quoi se nourrir. »
Le Soleil Levant ne compte pas assez de lits pour accueillir toute la troupe : les villageois sont donc sollicités pour héberger une partie des soldats.